Conduire le changement : l'art d'anticiper

Publié le par Thierry Lefevre

Conduire le changement : l'art d'anticiper
Conduire le changement est tout un art. Il est facile de trouver l'abécédaire des techniques à mettre en œuvre, de s'appuyer sur des cabinets spécialisés, mais cela ne peut pas réussir sans des qualités managériales éprouvées.

Le manager est celui qui connaît l'histoire de l'entreprise, les points forts et les points faibles de ses équipes, le langage et les codes et le plus fondamental : il est celui qui doit inspirer la confiance.
La confiance est un bien précieux. Il faut du temps pour l'acquérir et elle se mérite. Elle n'est jamais définitivement acquise et le manager se doit de donner des gages régulièrement. Ils préserveront ainsi la confiance octroyée.
Les collaborateurs, même sans forcément l'exprimer, savent parfaitement catégoriser les managers en fonction des comportements accumulés.
Conduire le changement implique des qualités humaines dont devra savoir faire preuve le manager.

Être pédagogue et donner du sens, être en empathie en étant capable de se mettre à la place de l'autre, accepter un point de vue différent sont des éléments fondamentaux.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas conduire et assumer des décisions, parfois difficiles, mais il faut avant tout le faire en faisant preuve de cohérence et d'objectivité.
La majorité des managers sont souvent mal à l'aise lorsqu'ils se retrouvent devant ces situations. Ils sont peu expérimentés, mal préparés, parfois mis en première ligne.
Certains types de management que je qualifierais de "management au forceps" arrivent parfois à conduire le changement en faisant preuve d'autorité. C'est toujours une victoire à la Pyrrhus.
Derrière les mots qui traduisent une attitude à prendre, le plus difficile est de savoir comment se comporter concrètement face à telle ou telle situation.

Changer renvoie à nos peurs les plus intimes

Changer renvoie à nos peurs les plus intimes

La meilleure façon d'être capable de gérer le changement c'est de le gérer comme un processus continue.

S'il fallait caractériser les deux principales peurs, que chaque individu ressent face au changement, c'est premièrement : vais-je perdre mon travail, deuxièmement serai-je capable de comprendre et d'intégrer les nouvelles façons de faire.
Généralement, on parle principalement de conduite du changement, lors de la mise en place d'un nouveau système d'information. Cela fait partie du package préconisé par les consultants experts. C’est nécessaire et pourtant c’est dommage de n'en avoir la préoccupation que sur des projets aussi structurants. Parler de conduite du changement sur des projets majeurs est déjà facteur de stress !. Les managers doivent avoir la préoccupation de gérer le changement au travers de projets plus modestes et plus courants.
Mettre en place une nouvelle procédure c'est déjà un changement ressenti par les équipes, Réorganiser les tâches dans un service provoque de l'inquiétude, pour celui qui devra exécuter désormais le travail, pour celui qui ne le fera plus.

Pourquoi avons-nous cette réaction primaire et comment la dépasser ?


Imaginons une simple situation pour deux personnes. l'une voyage peu et est amenée à faire un trajet en train avec des correspondances, l’autre voyage en permanence aux quatre coins de la planète.
Un retard dans les horaires sera perçu totalement différemment entre ces deux personnes et la quantité de stress et de peurs sera multipliée par 10 pour celui qui voyage peu.
Bien sûr la personnalité de chacun influence le comportement, mais notre voyageur du bout du monde à pris d’infinies précautions lors de son premier voyage pour se rassurer, il dort aujourd’hui paisiblement la veille de son départ.
Pour l'un c'est un processus habituel, continu : il voyage tout le temps, pour l'autre c’est un événement !

Comme l’écrit Dan Pink dans son livre « Drive », l’autonomie et les compétences que l’on développe lorsqu’on résout soi-même un problème seront plus à même de vaincre toute résistance, et de motiver le changement, que n’importe quelle stratégie conçue par d’autres.

Le vrai secret d’un changement réussi, ce n’est pas de changer les gens mais plutôt de leur donner les moyens nécessaires afin qu’ils trouvent leurs propres solutions et réponses. Ceci avec le soutien de leurs managers et la tolérance de leur direction.

Intégrer et accepter le changement prends du temps

Intégrer et accepter le changement prends du temps

Beaucoup de personnes retrouveront ici un graphe bien connu qui matérialise la courbe du changement.

Extrait de l'article les échos " Le temps de passage des courbes de deuil est un des éléments majeurs qui différencie les individus dans leur rapport à l’autre.

Un enjeu majeur du manager est d’amener son collaborateur dans la phase suivante de deuil. Paradoxalement, le propre du manager est de générer en permanence des changements sur ses équipes.

La bonne attitude du manager

Pour accélérer le passage d’un collaborateur dans sa courbe de deuil, le manager doit identifier à quelle phase il en est (ou à quelle phase il bloque). Et à chaque phase correspond une attitude.

Dans les premières phases (refus, colère, tristesse), axées sur l’émotion, la seule attitude possible à l’égard du collaborateur est l’écoute et l’empathie. Il n’entendra rien d’autre, ce serait vain d’essayer de le persuader.

Lorsque la phase de "peur" est identifiée, le manager peut passer à l’explication, pour le rassurer, en faisant preuve de solidarité. Ce n’est qu’en phase minimale "d’acceptation", dès les premiers signes de "marchandage", que le manager pourra ré impliquer, accompagner et positiver.

Le manager est lui aussi doué d’émotions, il passe évidemment par les mêmes processus. Simplement, Ainsi, on peut dire qu’une condition pour pouvoir manager les autres est de passer les courbes de deuil plus vite que ses collaborateurs, "

Je ne peux qu'être d'accord avec l'article ci-dessous. Il est net, implacable et théoriquement cela doit se passer comme cela est décrit.

Oui mais peut-on résumer la réalité de l'entreprise à ce schéma aussi pédagogique soit-il ? :

Je pense que cela n’est pas suffisant car :

L'entreprise n'est pas parfaite. Elle se situe à un moment de son histoire et continue de se transformer sous nos yeux à sa propre vitesse.

Les managers ne sont pas parfaits. Ils évoluent en fonction de leur parcours, des codes de l'entreprise, dans un environnement composé d'autres managers plus anciens ou plus récents, plus jeunes ou plus vieux, avec des visions différentes dans la façon de gérer les équipes …

Les collaborateurs ne sont pas des machines qu’il convient de reprogrammer. Leurs capacités de résilience ne sont pas infinies.

Il est donc important de mesurer la maturité d’une organisation et sa capacité de résilience avant même de lancer un projet.

La grille de maturité ci-dessous doit permettre à chaque entreprise, à chaque service,  à chaque équipe de situer sa capacité à conduire et accepter le changement.

Cette grille est le croisement de deux axes : Le premier concerne l'importance du changement envisagé, le deuxième concerne la prise en compte, par les managers, d'une préoccupation de conduite du changement dans la gestion courante.

Chacun de nous est différent. Nous n 'éprouvons pas les mêmes sensations, nous ne voyons pas les choses de la même manière, la nature humaine est aussi faite.

Gérer une entreprise, des managers, des collaborateurs, un groupe de personnes, c'est essayer de mettre en musique une joyeuse cacophonie pour en faire une mélodie la plus harmonieuse possible !!!!

Savoir situer l 'entreprise, le groupe  pour créer une spirale vertueuse

Savoir situer l 'entreprise, le groupe pour créer une spirale vertueuse

L'ambition d’un projet doit d’abord être compatible avec la maturité de l'entreprise. La conduite du changement doit passer par une phase d’apprentissage au travers de projets quotidiens. C'est un moyen pour se mettre en mouvement. Ce mouvement génère un processus continue gage de la réussite de projets de plus en plus ambitieux.

Définir la maturité d’une organisation consiste à la situer sur la capacité des managers, à intégrer la conduite du changement dans les affaires courantes. Cela fait-il partie de l’ADN de l’entreprise ? des projets ont-ils  été conduits avec succès ? si la réponse est oui la maturité est forte. Si cela est perçu comme du charabia de consultants alors la maturité est faible.
Cette première appréciation est fondamentale car elle conditionne la capacité d’une organisation à porter des projets plus ou moins complexes et impactants.

Ignorer cette phase c’est prendre le risque de lancer un projet voué à l’échec.

Cela peut paraître excessif mais le principe de réalité impose de dire que ce sont des situations vécues ou les managers n’ont jamais mis leurs équipes dans une logique de changement continue et les ont amenés parfois à se fossiliser.

C’est un véritable gâchis et modifier cette situation génére un temps d’apprentissage beaucoup plus long pour « dérouiller la mécanique ».

Entendre un employé de près de 50 ans en comptabilité clients, sur un changement de procédure, vous dire « vous savez je suis âgée, je ne pourrai jamais m’adapter » c’est surréaliste ! La réalité a prouvé le contraire.


La spirale vertueuse consiste, lorsque la capacité est faible, à conduire de petits projets qui serviront d’exemples et formeront les managers et les équipes.
L’accumulation de projets de plus en plus structurants permet de passer dans la case verte de la matrice soit celle de l’optimum et cela se fait naturellement.
Enfin c’est parce que l’entreprise sera passée par la case optimum qu’elle sera en mesure de se trouver dans la case en haut à droite et non pas dans celle en haut à gauche, celle de l’échec assuré.

Exemples d’apprentissage :

Rédiger une nouvelle procédure, Supprimer les tâches réalisées sans valeur ajoutée consommatrices de temps, et éviter ainsi une embauche, gagner une journée sur les délais de clôtures mensuelles en cherchant le bon équilibre entre précision et significativité, passer d’une comptabilité clients par société à un pôle d’expertise mutualisé en crédit management, développer la création de valeur en augmentant par exemple l’expertise sur les conditions d’exonérations fiscales …

Il s’agit d’exemples concernant les équipes comptables, dont on perçoit immédiatement la différence d’intensité dans le changement.
Pour l’avoir mis en œuvre dans d’autres domaines comme l’informatique, les ressources humaines, l’administration des ventes, la méthode et les résultats sont toujours les mêmes ; d’abord de la déstabilisation et de l’attentisme, jamais de colère ni de refus puis un sentiment de fierté : je ne pensais pas être capable de faire cela et en plus ça marche.
C’est un levier de performances extrêmement puissant.
 

Un dernier exemple : le plus frappant mais malheureusement souvent le plus courant :

La mise en place pas d'un nouveau système d'information, généralement couplé à une réorganisation de l’entreprise.
Combien d’entreprises ont subi des échecs car se situant dans le carré en haut à gauche celui d’un projet avec de profonds changements avec en face une culture du changement inexistante dans leurs ADN !

Il faut de l'ambition dans un projet d'entreprise mais c'est faire preuve de courage managérial que d'accepter un projet un peu moins emblématique qui aura plus de chances de réussir et générera une spirale positive.

Savoir faire le bon diagnostic de son organisation, définir des étapes ambitieuses mais réalistes pour forger les bonnes pratiques et accroitre la capacité de résilience est la clé du succès.

Le temps est un allié et non un ennemi, encore faut-il marcher régulièrement.

Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Fable de JEAN DE LA FONTAINE :

Le Lièvre et la Tortue Livre VI, 10

Publié dans Conduite du changement

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