REGLEMENTS CLIENTS : LA THEORIE DES 4 A

Publié le par Thierry Lefevre

REGLEMENTS CLIENTS : LA THEORIE DES 4 A

Une vision stratégique d'ensemble

Préambule

Les bonnes pratiques ci-dessous ont permis, chez Bonduelle traiteur d'améliorer le BFR de 4 points, chez SVA Jean Rozé d'améliorer la trésorerie chaque année de 5 millions d'euros.

La gestion du poste client est la conduite d'actions de recouvrement ayant deux objectifs simultanés :

- obtenir le paiement des créances clients à l'échéance fixée dans le but d'optimiser le BFR.
- réduire les risques d'impayés dont l'impact peut mettre en difficultés l'entreprise.
Sur le deuxième point, il existe des solutions pour prémunir l'entreprise des conséquences financières d'un impayé. Cela s'appelle l'assurance-crédit.
Je traiterai,ultérieurement, ce point dans un autre article.
Toutefois, il y a d'emblée une première erreur à ne pas commettre.
Les assureurs crédits ne sont pas des philanthropes, mais des spécialistes du risque. Ils jugent le risque de vos clients, mais ne vous y trompez pas, ils jugent également le risque que vous représentez en fonction de vos modes opératoires.
Ils ont tous la même séquence d'analyse :
- lors de la contractualisation, ils se font une idée de la qualité et la maturité des équipes financières. De leurs conclusions dépendent votre taux de prime et les conditions de couverture.
- suivant le degré de sinistralité réel observé, ils ajusteront à la baisse les couvertures de vos clients existants et plus ennuyeux ils ne s'engageront pas sur de nouveaux prospects ayant un profil plus risqué.
Si votre contrat est, de plus, mal ficelé, vous vous retrouverez à payer un taux de prime sur l'intégralité de votre chiffre d'affaires pour une couverture très partielle ce qui mécaniquement fait monter votre taux de prime réel.

Nous avons eu le cas dernièrement pour un nouveau client en Egypte. Actuellement, les assureurs crédits sont très prudents compte tenu de la situation économique et politique. Pourtant paradoxalement, c'est un pays qui présente un potentiel de développement important. Après négociations, nous avons réussi à obtenir une première couverture de 300 000 euros pour un client. Si nous n'avions pas la confiance de nos assureurs sur la solidité de notre dispositif de crédit management, nous n'aurions jamais obtenu cette ligne.

En conclusion de ce préambule : il faut construire une stratégie d'ensemble sur le recouvrement client. Vous ne pouvez pas vous en exonérer.

Quelle stratégie conduire ? La stratégie d'ensemble en matière de recouvrement et d'optimisation du BFR repose la théorie des 4 A :

Alors qu'il est encore en vol, les aiguilleurs du ciel préparent les conditions de réussite de l'atterrissage d'un avion. La théorie des 4 A, c'est le même raisonnement.

- Avant la première commande de votre client.
- Avant l'échéance de la facture.
- Avant les 5 jours suivant l'échéance.
- Avant qu'il ne soit trop tard.
Vous l'aurez compris la bataille se gagne avant même d'avoir en compte la première facture.

Le temps est votre allié ou votre enemi : à vous de choisir.

A vant la première commande de votre client :

Les bonnes pratiques les plus importantes à mettre en œuvre:

1° Analyser systématiquement et dès les premiers contacts la solidité financière de votre prospect. Vérifiez s'il a déjà eu des incidents de paiement. Les sites de références sur internet et votre assureur crédit sont à activer immédiatement.Faîtes une mise à jour tous les 6 mois.
2° Adapter les conditions de règlements en conséquence,un acompte ou un règlement avant chargement est un plus surtout à l'exportation lorsque le délai d'acheminement rallonge l'échéance.Fixer un encours maximum.Il sera évolutif dans le temps en fonction de la qualité de la signature du client et du respect des échéances.
3° Évacuer les conditions de règlements de la négociation commerciale. Le commercial à tout intérêt à mettre en avant qu'il n'est pas le décideur sur le sujet afin d'évacuer ce sujet de la négociation de prix. Cela permettra de préserver la relation commerciale présente et future.
4° Privilégier systématiquement le virement, les autres moyens de paiement (chèques, traites...) sont des instruments de gestion du BFR au service de votre client. Ils consomment votre trésorerie et accroissent vos risques.
5° Récupérer les données précises du client afin d'entrer dans votre système d'information des éléments fiables.Pour cela, il est fondamental de mettre en place une fiche navette qui reprend exhaustivement les données commerciales, logistiques et financières du client.
6° Définir pour l'export, avec la direction générale, la politique de risques sur chaque pays en fonction des classifications réalisées par les assureurs crédits. Exemple de A à D pour les évaluations de la Coface. Sur les pays les moins bien classés, mais présentant souvent des opportunités le risque pays doit primer sur l'analyse du risque client.
7° Faire, le lien entre l'incoterm choisi et la politique de recouvrement à mettre en œuvre. Pour faire très simple le type d'incoterm définit le périmètre de vos responsabilités.Le plus simple est le transfert de votre responsabilité au chargement de la marchandise dans votre site. Le plus complexe est le transfert de votre responsabilité à la livraison sur le point de livraison final de votre client. Dans ce deuxième cas, je vous laisse imaginer toutes les situations qui peuvent avoir un impact direct sur le règlement (nombre d'intervenants, événements subits du type grève des dockers, perte de documents ...)

Cette première étape doit vous permettre pour chacun de vos clients d'apprécier son potentiel de risques et donc d'adapter votre gestion du recouvrement en conséquence. C'est parce que j'ai pu apprécier mon risque que je vais pouvoir déployer une stratégie de recouvrement adaptée.

A vant l' échéance de la facture :

Les bonnes pratiques les plus importantes à mettre en œuvre:

1° Traiter les litiges avant l'échéance. Les litiges les plus classiques sont l'absence du bordereau de livraison émargé par le client, le litige prix, le litige quantités, le litige qualité. Appelez votre interlocuteur et décelez un éventuel problème. Vous avez dans les conditions de règlements au minimum 20 jours pour régler le problème : c'est énorme.
Classer vos clients par catégorie en fonction du risque, et de leurs habitudes de réglements. Certains clients n'ont parfois pas de problèmes de trésorerie, mais savent parfaitement bien gérer le BFR...
Adapter vos relances préventives en fonction de chaque profil défini. Les équipes ne doivent pas hésiter à relancer plusieurs fois. C'est le principe d "une main de fer dans un gant de velours". N'oublions jamais que ce sont des comptables (coté fournisseur) qui parlent à des comptables (coté client). Cela reste très humain. A force, un comptable, pour éviter un appel systématique et de devoir se justifier, préférera payer à l'échéance.
Utiliser les portails mis à disposition par certains clients pour vérifier à J-2 la réalité des réglements annoncés.
Vérifier à J-1 de la date d'échéance si le règlement est bien annoncé sur le portail de votre banque. Vous allez rentrer potentiellement dans la gestion des échus non payés de 1 à 5 jours donc gagner une journée pour relancer le client représente un gain de temps de 20 % ...

A vant les 5 jours suivants l'échance :

Je suis toujours frappé d'observer, lorsque l échéance de réglement est passée, comment les équipes se focalisent prioritairement sur les retards de plus de 30 jours. Il y a comme une espéce de basculement de situation ou " n'avoir un retard que de 5 à 10 jours" c'est plutôt positif.

Dans les faits les équipes donnent priorité à la gestion du risque d'impayés au détriment du BFR.

Pourtant les retards inférieurs à 5 jours sont un gisement majeur d'amélioration de la trésorerie. En moyenne cela représente entre 25 et 35 % de l'encours total. En fonction de la taille de l'entreprise c'est plusieurs milliers, plusieurs millions d'euros en moins dans votre caisse pour le plus grand bonheur des trésoriers de vos clients.

Les bonnes pratiques les plus importantes à mettre en œuvre:

1° Lettrer les réglements le plus vite possible. c'est le seul moyen de voir rapidement quels sont les retard effectifs.

2° Exiger un lettrage parfait de la part de vos équipes. Un mauvais lettrage c'est une mauvaise information et un jugement erroné. Relancer à mauvais escient et de manière eronnée c'est une perte de crédibilité qui vous désservira lors des prochaines relances.

3° Relancer immédiatement les catégories de clients des plus risquées au moins risquées. Demandez leurs de vous expliquer les raisons du retard, demandez leurs de s'engager sur un réglement dans la journée ou le lendemain.Demandez leurs de vous transmettre une copie de la pièce du virement.

4° Relancer chaque jour si le réglement n'est pas arrivé. Le temps joue contre vous. S'il n'y a pas de litiges non solutionnés alors il n'y a aucune raison valable pour retarder le paiement. Il ne faut pas laisser la pression sur vos épaules.Il est impératif de la mettre sur les services comptables de votre client.Si le paiement tarde c'est un signal d'alerte.

5° Faites débloquer un paiement partiel s'il reste un déssacord minime. C'est un grand classique le paiement est bloqué pour un litige qui représente moins de 1 % de la somme totale.

A vant qu'il ne soit trop tard :

Au plus, le temps passe, au plus la gestion du BFR d'estompe au profit de la gestion du risque. Au-delà des 5 jours de retard, il est impératif de prendre des dispositions de nature différente.C'est le comité de gestion des risques qui se réunit une fois par semaine qui doit prendre le relais (voir article précédent).

Les bonnes pratiques les plus importantes à mettre en œuvre :

1° Ne pas laisser pas l'encours monter alors que vous avez des retards de règlements supérieurs à 5 jours. J'ai vu trop souvent des situations où l'on se retrouve piégé par l'importance de l'encours avec un client.Il menace de ne plus payer du tout s'il n'est plus livré: un paradoxe tout de même. Faîtes intervenir très rapidement le directeur commercial qui pourra faire pression sur l'acheteur.
2° Favoriser, un plan de règlement si le client vous fait part de difficultés temporaires, aménager les réglements. La priorité est de faire diminuer l'encours.
3° Menacer de faire une information auprès de votre assureur crédit. C'est une arme très efficace et redoutable.La cotation de votre client est vitale pour lui et ses financements.Si sa couverture tombe, tous ses fournisseurs verront la couverture assurance crédit tomber.

Si malgré cela le règlement ne vous parvient pas, dans les limites du délai de déclaration auprès de votre assureur crédit, c'est que le client est à cours de trésorerie et il est probable que sa survie soit en jeu.

De votre côté, il est probable que votre dispositif soit à améliorer.

Thierry Lefevre

www.undirecteurfinancier.com

Publié dans BFR

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